« Oh lala, elle va nous parler politique ?! »
En fait pas du tout. Comme pas mal de personnes, je n’aime pas parler politique. Certainement, par manque de convictions, et non par manque d’idées. Sûrement aussi, parce que, j’ai assisté enfant, à des joutes verbales entre les hommes de ma famille. Le ton montait, les mines se crispaient. C’était désagréable.
En fait aujourd’hui, je voulais partager l’envers du décor d’une élection, d’un bureau de vote. Cela fait 10 ans maintenant, que je fais partie des secrétaires employées pour les élections montpelliéraines. Peu de gens finalement, savent comment s’organise un bureau de vote, quelles personnes y participent, quels moyens nécessitent un scrutin. Rappelez-vous les dernières c’était pour la fête des mères.
Secrétaire générale d’un bureau de vote
C’est un job qui m’est tombé dessus. En 2007, j’étais au chômage et, la mairie cherchait du monde pour la propagande. Vous savez les enveloppes que l’on reçoit souvent trop tard… voire pas du tout. À l’intérieur, on trouve la liste des candidats et leur profession de foi. J’ai rempli des enveloppes durant 48h. C’était payé correctement, l’ambiance était agréable. Plus tard, on m’a demandé un CV et proposé de tenir un bureau de vote, en tant que secrétaire. La première fois, c’était pour la ré-élection de Madame Mandrou.
J’ai appris rapidement tout ce qu’une bonne secrétaire doit savoir: la journée dépendra du président du bureau.
Pour ma première, je suis tombée sur un vieux garçon, à l’hygiène douteuse. Il portait une moumoute et se sentait investi de son pouvoir du jour. Le début de la journée fût un peu compliquée et assez drôle. Il me faisait marrer, sa pseudo autorité me glissait littéralement dessus. Évidemment, j’ai ri de cette chose collée sur son crâne. La journée est passée, nous sommes allés ensemble déposer le Procès Verbal (document officiel qui sera enregistré) à la mairie. Une fois les vérifications faites, mon travail validé, il m’a remercié, un truc qu’il ne devait pas faire souvent. Comme quoi avoir du caractère… Bref, j’étais adoubée, et somme toute assez fière de moi.
Concrètement comment se passe une élection
La secrétaire générale et son adjointe, sont le lien direct entre la mairie et le bureau de vote. Le matin des élections, vers 7h (certains dimanches piquent plus que d’autres), je passe prendre « mon enveloppe » à la mairie. Elle contient: les clés de l’urne, les cahiers d’émargement, le procès verbal, des recommandations et des vérifications à exécuter sur place, les accréditations pour ramener la dite enveloppe le soir. Puis, je rejoins mon bureau, en général c’est dans une école élémentaire. Là, une autre secrétaire m’attend: mon adjointe. Depuis quelques années, c’est Chantal, on adore se retrouver, j’aime beaucoup travailler avec elle.
Immédiatement, je vérifie les accès pour personnes à mobilité réduite. Puis, j’ouvre l’urne, je garderais une clé et le président du bureau aura l’autre. À l’intérieur, se trouve le nécessaire pour ouvrir un bureau de vote: les bulletins de vote, les enveloppes, les livrets de procuration, les mentions légales à accrocher au mur, le règlement électoral etc…
Dans la salle de classe où nous nous installons, les tables des écoliers ont été rangées pour ne pas gêner le passage des électeurs. Les isoloirs sont amenés par le personnel de mairie la veille.
Un travail d’équipe
Avec mon binôme, je vais disposer de grandes tables: deux pour les assesseurs et le président, placées de chaque côté de l’urne et, une à deux autres, en face pour disposer les bulletins de vote et improviser notre bureau.Les membres du bureau sont soit des élus, soit des sympathisants désignés par leur parti.
Le boulot des secrétaires est de veiller au bon déroulement du scrutin. Dès qu’il y a un hic, un couac, un doute, c’est pour moi ou mon binôme, si je ne suis pas là.
Cela varie entre une alarme qui se déclenche intempestivement, un échange verbal un peu trop musclé, en passant par une enveloppe enregistrée à tort ou le mécontentement d’un citoyen qui: ne-comprend-pas-pourquoi-la-ville-s’est-permis-de-lui-attribuer-un-nouveau-bureau-de-vote-alors-qu’il-vote-là-depuis-sa-première-fois-et-que-personne-le-lui-a-dit-et-comment-ça-il-peut-pas-voter…
On a tous un rapport particulier aux élections, si on a tous une opinion dessus, elles ne laissent personne de marbre. Durant la journée, je vais rappeler les règles, donner des cartes électorales revenues à la mairie, téléphoner pour annoncer le nombres de votants du bureau, toutes les deux heures. Je vais aussi, sourire, proposer à des personnes de revenir le soir pour être scrutateurs, discuter de la pluie et du beau temps, assister aux première fois de plein de jeunes. Certains sont super renseignés et conseillent leurs parents, d’autres sont littéralement perdus. Je ne devrais en aucun cas dispenser un conseil concernant le suffrage ou partager mes opinions. Idem pour tous les membres du bureau.
20 Heure, rien ne va plus
C’est l’heure de fermeture. Le président déclare le scrutin clos. Les scrutateurs, qui viennent prêter mains fortes au dépouillement sont déjà là. D’ailleurs, je profite de ce billet pour remercier, tous ceux qui répondent présents, qui gardent le sourire. C’est vraiment chouette de vous retrouver à chaque élection.
Rapidement les tables seront mises au milieu. Quatre scrutateurs par table, pour deux tables. Sur l’une on va renverser l’urne, je vais récupérer les clés. Les enveloppes seront reparties par paquet de 100. Une fois que l’on est d’accord sur le nombre d’enveloppes par rapport au nombre de votants, le dépouillement peut commencer. Un scrutateur ouvre l’enveloppe, un autre lit le bulletin, deux autre notent le résultat et ainsi de suite. C’est un vrai travail d’équipe où chacun à sa place.
Pendant ce temps
Durant ce laps de temps, si tout se passe bien, j’enregistre sur le Procès Verbal, le nom de ceux qui ont tenus le bureau, moi compris, les incidents, l’heure d’ouverture et de fermeture, le nombre de cartes électorales restantes. Nous retirons toutes traces de notre passage dans la salle de classe, à l’exception du tableau représentant le nombre de votants et de celui contenant les résultats finaux. Les maitresses aiment bien travailler dessus.
Tous les bulletins sont mis à la poubelle, des tonnes de papier inutilisé. C’est certainement, le plus honteux. Les enveloppes non utilisées lors de l’élection, seront remises dans l’urne, avec tout ce qu’elles contenaient à notre arrivée. Si le dépouillement se passe bien, j’aurais plus qu’à inscrire les résultats, les blancs, les nuls. Je remettrai dans mon « enveloppe » les cahiers d’émargements, les cahiers de procuration, mon procès verbal dûment rempli, et hop direction la mairie. C’est accompagnée du président, que je remets les clés et que nous passons l’épreuve de vérification.
Au-delà de l’élection
Plus tard, le personnel de mairie passera dans chaque école, afin de récupérer les isoloirs, jeter les poubelles, emporter l’urne et remettre en place les salles de classe. Jusqu’à la prochaine élection.
Au-delà du scrutin, c’est la dimension humaine de cette journée que je retiens. Certaines personnes me touchent particulièrement. Voter c’est aussi un acte familial, avant ou après le déjeuner dominical. Quelque chose de l’ordre de la transmission se joue.
Et puis, il y a la vieille dame endimanchée, celle qui est toujours bien habillée, le monsieur au béret qui a un mot gentil, celui qui l’espace d’un instant partage son quotidien, quelques nouvelles des uns et des autres, beaucoup de rire. Enfin, des hommes et des femmes, qui ne se connaissent pas et qui vont travailler ensemble, avec leur divergence ou connivence d’opinion. La vie en somme.
Sylvain
13 juin 2019 at 07:41Merci de ce partage, de cet envers du décor que l’on ne perçoit pas là plupart du temps.
Maguelonne
17 juin 2019 at 07:00Avec grand plaisir, cela permet de découvrir ce moment de manière différente