Est-ce parce que tu es parti, que j’ai tant grandi en si peu de temps?
Alors que nous nous sommes tant tus l’un en face de l’autre, jusqu’à savoir parler en silence, j’ai aujourd’hui des tas de sujets de conversation à partager avec toi. Tant de choses à te dire, comme autant de secrets que je garde pour moi. Ton regard bienveillant et juste me manque. Tout comme ta façon de prononcer mon prénom, avec une infinie douceur, en essayant de mettre un cadre et en t’amusant de savoir que c’est peine perdue. Je t’entends me dire « tu es terrible! » en éclatant du rire. Je ne suis pas un être raisonnable, tu le savais, tu l’avais accepté, avec le temps, tu as chéri ce trait de ma personnalité . J’ai forcé tant de choses en toi, ton besoin de sécurité, de normalité, de silence. Tu as fait des choses, assez dingues, par amour pour moi. Tu m’as appris qu’un combat vaut la peine que si on y croit, qu’il ne faut pas se perdre, que c’est la seule chose qui compte.
J’étais ton mystère en équilibre. Tu me répétais ébahi « je sais pas comment tu fais » et on finissait par en rire. J’ai saisi dans ton regard tant d’interrogations, de surprises, de « moi, je ne ferais pas ça… « . En même temps, il y avait cette confiance inébranlable, comme un acquis. On ne revient pas sur ses acquis, un principe de famille, ce que tu gagnes est à toi et moi j’ai gagné la tienne.
Par pudeur, par ego peut-être, j’ai oublié de te dire à quel point cette confiance m’a rendue forte. À quel point, cette absence de doute m’a construite, à quel point elle fut salvatrice quand ce n’était pas facile. Encore aujourd’hui, peut-être plus qu’hier, c’est ton regard que je sens dans mon dos. Cette voix, qui me dit amusée « vas-y, fais-le puisque tu en as envie, tu vas y arriver, je ne m’inquiète pas « . On se ressemble tellement, j’ose l’avouer, même dans ce que je n’aimais pas chez toi. A l’époque, je disais « il est tellement têtu! », maintenant je sais que la ténacité est une qualité.
J’ai toujours su où te trouver, aujourd’hui, je sais que tu es partout où je suis, tu m’accompagnes. Est-ce pour cela que j’ai encore plus envie de bouffer la vie ? J’aime croire que oui.
Tes câlins (oui à 37 ans je montais encore sur les genoux de mon père), ton odeur, notre complicité sans besoin de mots, tes clins d’œil… Tu me manques Papa.